Histoire de la photographie panoramique

Dès les origines de la photographie, « trois axes de recherches se dessinent : la couleur, le relief, et l’élargissement du champ de vision ». Les vues allongées ou accolées apparaissent rapidement après la divulgation de la photographie.

Deux ans à peine après l’annonce, par Arago, de l’invention de la photographie devant l’Académie des sciences, Achille Morelli, en 1841, réalise treize plaques d’une vue de Rome « pour un Anglais qui avait eu l’idée d’accoler une série de daguerréotypes ». Frédéric Von Martens inaugura vers 1844 un appareil panoramique, le Mégascope, qui permet de réaliser des daguerréotypes panoramiques sur plaques cintrées (le Mégascope est décrit dans les Mélanges photographiques de Charles CHEVALIER). Cet appareil permet d’obtenir des images d’une grande netteté, grâce à son objectif rotatif. En effet seul le centre de l’optique est utilisé, et ainsi l’image est exempte des aberrations présentes sur les bords d’une image, aberrations particulièrement présentes sur les optiques de cette époque.
Ce qui caractérise le nouveau perfectionnement apporté au daguerréotype, c’est qu’il permet de faire avec un objectif très médiocre pour les dimensions et la qualité, des épreuves d’une grande étendue longitudinale et d’une netteté exquise. Ainsi avec un objectif d’une bonté ordinaire, on obtient des vues de 38 centimètres de long sur 12 de large, parfaitement nettes sur toute cette surface et embrassant un angle visuel de plus de 150 degrés.

Le procédé par lequel on arrive à ce résultat consiste essentiellement:
– dans un mouvement horizontal donné à l’objectif qui lui fait parcourir successivement tous les points de l’horizon – dans la courbure cylindrique que la feuille plaqué est forcée de prendre au moyen d’arrêts que l’on dispose à volonté : on amène ainsi les foyers des objets les plus inégalement distants à la surface de la plaque métallique ;
– la netteté remarquable des épreuves est due, en outre à une fente étroite verticale, ménagée au fond d’une espèce de boîte qui suit l’objectif dans son mouvement. Cette fente, qui joue le rôle d’un diaphragme que l’on placerait en arrière, ne laisse agir sur la couche sensible que les rayons centraux, c’est-à-dire ceux qui n’ont aucune aberration appréciable.

Le principe d’un objectif qui tourne, et ainsi balaie dans la durée le champ de vision, est décrit seulement environ cinq ans après la divulgation de la photographie1. Une quinzaine d’années après, l’anglais Ross propose un appareil panoramique d’un champ de 120 degrés. La prise de vue se fait de façon instantanée (il faut se remettre dans le contexte de la sensibilité des surfaces sensibles de l’époque et considérer que l’instantané ne veut pas dire qu’il fige le mouvement, mais qu’il est en opposition par rapport au moment introduit dans les appareils de prise de vues avec balayage de l’objectif) sur une plaque cintrée. L’originalité de cet appareil en revient à l’objectif, composé de deux lentilles sphériques, contenant dans leur intervalle un liquide, généralement de l’eau, « d’un pouvoir réfringent et dispersif plus faible que le verre qui constituait les lentilles ». C’est la « courbure [de champ] très accentuée qui avait précisément conduit l’inventeur à recevoir l’image panoramique sur une glace courbe »5. Cet appareil a la grande particularité de créer une image en perspective curviligne (la plaque est cintrée) alors que l’optique reste fixe.

Les appareils de prise de vues rotatifs sur support rigide (plaque de métal, verre) présentent une contrainte au niveau de l’angle de champ : celui-ci est limité de façon théorique à 180 degrés ; en pratique, la limitation se situe autour de 170 degrés. Le film ne pouvant pas bouger, l’optique ne peut faire une rotation de plus de 180 degrés car le film viendrait se placer entre l’objet à photographier et l’optique. L’invention du support souple, le nitrate de cellulose, en 1889 enlève cette limite d’angle de champ. Il est intéressant de souligner que le cinématographe a besoin de cette même invention avant de voir le jour. Dès cette année, J. R. Connon propose le Wonder Panoramic Camera. Quatre ans plus tard, le Cyclographe de Damoizeau est mis au point. Delamarre, en 1900, décrit cet appareil comme « le type le plus parfait et le plus pratique des appareils panoramiques ». Le film défile de façon synchrone avec l’optique, celle-ci effectuant une rotation ; l’angle de champ peut ainsi atteindre 360 degrés voire bien plus, si l’appareil effectue plusieurs révolutions.

Jusqu’à l’arrivée de la technologie du numérique, il faut noter l’absence d’invention majeure dans les systèmes de prise de vue panoramiques. Juste un perfectionnement du Cyclographe de Damoizeau. Le monde binaire apporte deux innovations majeures : la possibilité d’assembler plusieurs prises de vues avec un changement de projection de l’image (le plus souvent d’une projection linéaire à une projection curviligne) et le principe du QuickTime VR (Virtual Reality : réalité virtuelle). « Cette technologie permet de regarder un paysage comme si nous tournions sur nous mêmes.

La base du QTVR est une série de photographies qui seront assemblées et mises bout à bout pour en réaliser un cylindre. Une séquence QTVR peut avoir des zones cliquables qui ouvrent un lien vers d’autres pages Internet ou d’autres écrans de CD-ROM ». Notons que la première innovation (l’assemblage des images) s’inscrit dans un processus de captation, alors que la deuxième (le QTVR) concerne la restitution.

S’il est difficile de dater les premiers assemblages panoramiques numériques, celui du QTVR est bien défini9. En 1995, la société Apple produit un logiciel où le spectateur, grâce à une souris ou un clavier, peut à partir d’un point de vue unique regarder dans toutes les directions de l’espace. Nous ne pouvons manquer d’évoquer les casques virtuels, mais même si l’image est à champ total, elle n’est en général pas indicielle mais synthétique et en trois dimensions. Avec la photographie par assemblage, il parait suffisant de disposer d’un appareil numérique et d’un logiciel adéquate pour s’essayer à la photographie panoramique, là où avant il fallait acquérir un onéreux appareil spécialisé si l’on voulait obtenir des images en perspective curviligne.

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